Arrivée de Vente Privée aux Etats-Unis : interview de J-A Granjon

Arrivée de Vente Privée aux Etats-UnisBusinessInsider.com a réalisé une interview exclusive de Jacques-Antoine Granjon. Il y parle en détail de l’arrivée de Vente-Privee.com aux Etats-Unis en partenariat avec American Express mais évoque aussi l’avancée de la « Digital Commerce Factory » et confirme notre information sur le lancement prochain d’un service de billetterie. Voici la version traduite en français par nos soins.

BI : Pourquoi vous lancez-vous avec American Express ?

J-A Granjon : C’est une très grande marque. J’avais toujours dit que je n’irais pas aux États-Unis sans un partenaire. C’est un marché très mature. L’achat discount y est très structuré, avec des sociétés comme TJ Maxx et d’autres qui génèrent des milliards en revenus chaque année. J’ai toujours dit que mon marché était l’Europe et que mon but était de travailler avec les 1500 marques qui comptent là bas.

Mais c’est une formidable opportunité. Amex est une des meilleures marques au monde, avec ses 42 millions de détenteurs de carte. Nous pouvons combiner notre savoir-faire spécifique avec leur puissance.
J’ai rencontré plusieurs fois le PDG d’Amex, et nous partageons la même vision du service à la clientèle et de la création d’offres intéressantes pour nos membres. Nous avons travaillé sur ce projet depuis plus d’un an et demi, avec des milliers de pages de documents juridiques. C’est une entreprise de grande envergure.

Il s’agit donc d’un projet à très long terme avec une grande vision.

BI : Quelle marque utiliserez vous ?

J-A Granjon : Nous travaillons encore sur ce point. Ce ne sera pas Vente Privée. Cela ne peut pas non plus être « Amex Privé » parce que quelqu’un d’autre détient les droits. Nous verrons.

BI : Quelle somme apportez-vous chacun au projet ?

J-A Granjon : Oh, pour démarrer quelques dizaines de millions de dollars chacun. Nous allons construire une société qui organise de grandes ventes événementielles capables d’attirer par elles même de l’audience, nous n’avons donc pas besoin de payer du traffic.

Vous savez, nous sommes rentables et sans dette depuis 2004. Alors quand je vois des concurrents générer beaucoup d’argent, plus de cent millions de dollars, et ne toujours pas être rentable, je me pose des questions.

BI : Que pensez-vous de tous ces concurrents, comme Gilt, Amazon, Groupon ? Et même de Facebook qui s’est désormais aussi lancé dans les deals.

J-A Granjon : Tout le monde se précipite là dedans. C’est là seule chose à laquelle ils pensent.

Je ne pense pas que cela fonctionne de cette manière. Ce qui marche est d’offrir quelque chose de vraiment spécial, et de le faire sur le long terme.

Bien sûr, si vous faites des offres très bon marché, les gens viendront. Mais combien de temps cela va-t-il durer ?

Pour ce qui est d’Amazon, les ventes privées ne sont pas leur métier. Les ventes privées, c’est organiser des événements pour le compte d’entreprises. Les ventes privées sont là parce qu’une marque a un problème, donc on doit le régler. C’est un métier complétement différent [de celui d’Amazon].

Et quand Gilt disent qu’ils vont ouvrir de nouveaux marchés verticaux, et des sites de vente à plein tarif, ils deviennent une société e-commerce comme une autre.

Et c’est ça que nous allons faire ?

Non, nous sommes sur quelque chose d’autre. Nous sommes sur quelque chose de spécial. Ce que nous voulons, c’est que quelque chose se passe chaque jour, quelque chose de si spécial que les gens viennent spontanément. Et avec ces événements quotidiens, nous créons une addiction.

Nous ne faisons pas d’e-commerce, nous faisons des événements.

BI : Personne aux États-Unis n’a entendu parler de Vente Privée. Vous allez devoir vous faire connaitre, construire des entrepôts pour expédier des vêtements, etc. Le fait que vous soyez si grand en Europe ne va pas vraiment vous aider. Qu’est-ce qui vous fait penser que vous avez une chance ?

J-A Granjon : Voilà pourquoi nous sommes si chanceux ! Nous sommes de nouveau comme une start-up.

Chaque ouverture dans un nouveau pays a été une nouvelle aventure. Chaque fois, nous avons du faire connaitre notre marque, établir des relations et transférer notre ADN.

C’est comme une mayonnaise. Si vous en faites une pour deux personnes, vous avez un peu d’oeuf et un peu d’huile, que vous mélangez dedans. Mais dès que ça prend, vous pouvez ajouter suffisamment d’huile pour en faire pour 20 personnes.

Et la chose la plus importante est de ne pas être arrogant. On est aux États-Unis. Il y a beaucoup de concurrence, il y a des entrepreneurs partout, il y a toujours quelqu’un qui peut faire votre travail mieux pour moins cher. Nous devons donc être très humble.

Mais notre but n’est pas de tout renverser en deux ans. Notre objectif est de construire quelque chose de grand sur le long terme.

BI : Comment faites-vous en Europe, hors de France ? Quelle est la chose principale que vous avez appris en entrant sur de nouveaux marchés ?

J-A Granjon : J’ai appris qu’il n’y a pas d’Europe en tant que telle.

Chaque pays est unique et nous devons tout recommencer à chaque fois. C’est toujours une nouvelle aventure. Et il faut beaucoup de temps. Il y a de plus en plus de concurrence.

Et nous ne pouvons pas acheter d’audience. C’est impossible d’acheter du trafic ! En quoi est-ce important que quelqu’un vienne dans votre boutique ? Ce qui importe c’est pourquoi il vient dans votre boutique !

Des centaines de millions de dollars de fonds de capital-risque ne changeront pas cela.

BI : Est-ce que les marques ont un peu peur de vous ? La rumeur dit que vous avez des accords exclusifs avec les plus grandes marques en Europe. Pourquoi devraient-ils dépendre encore plus de vous en vous donnant aussi leurs stocks US ?

J-A Granjon : Nous sommes dans une relation gagnant-gagnant avec les marques. Si nous ne sommes pas bons, elles nous quittent.

Je ne veux pas les contrats d’exclusivité, je veux des contrats moraux.

Nous avons conçu un système qui crée de la valeur pour eux. 40% des gens qui achètent sur Vente Privée finissent par visiter les magasins de la marque. Nous leur faisons des rapports marketing. Nous avons des avantages qui nous assurent qu’elles viennent à nous.

Ce qui importe est la qualité de notre relation. Si nous apportons de bonnes solutions à leurs problèmes, elles viendront à nous. Si nous ne le faisons pas, elles ne viendront pas.

BI : Comment marche Rosedeal (le service équivalent de Groupon chez Vente Privée) ?

J-A Granjon : Rosedeal marche très bien quand les offres sont bonnes. Il ne marche pas bien quand les offres sont mauvaises. Notre travail est de s’assurer que chaque offre se déroule bien, avec de sérieux contrôles qualité.

Rosedeal est l’anti-Groupon. Groupon, c’est l’happy hour pour tout le monde ! Mais les gens viennent uniquement pour le prix, derrière il y a des tonnes de plaintes. Pour nous, ce qui importe, c’est que l’offre se passe bien pour tout le monde.

BI : Combien cela rapporte-t-il ?

J-A Granjon : Je ne peux pas vous le dire. Nous sommes en train de former les équipes. Nous construisons quelque chose pour le long terme.

BI : En Mars, vous avez annoncé la création de la « Digital Commerce Factory ». Où en êtes vous ? Quelle est votre stratégie ?

J-A Granjon : Digital Commerce Factory est un service pour les marques qui veulent entrer dans le monde de l’e-commerce. Et c’est important.

Et la baguette magique est le smartphone. Les enfants qui ont aujourd’hui 12 ou 14 ans, auront un jour un travail et un grand pouvoir d’achat, et ils apprendront à acheter via leur téléphone.

Vous devez vraiment penser l’e-commerce comme un marché de 7 milliards de personnes. Bientôt, tout le monde achetera en ligne, même dans les pays en développement.

Ainsi, les marques qui ont depuis longtemps peur du e-commerce réaliseront qu’elles ne peuvent pas se permettre de ne pas être en ligne.

Et nous arrivons avec un savoir-faire spécifique : la logistique, le service à la clientèle, les logiciels, le marketing, la sélection des produits, etc. Et nous laissons les marques utiliser ce savoir-faire. Nous avons des objectifs très ambitieux pour l’entreprise.

Et cela nous permet de renforcer nos relations avec les marques. Pour eux, nous devenons un peu comme un couteau suisse.

BI : Et d’autres projets à venir ?

J-A Granjon : Toujours. Nous faisons toujours des choses nouvelles.

Nous avons récemment acheté une entreprise en Europe du Nord afin d’améliorer notre catalogue. Nous avons monté une co-entreprise pour vendre des billets de dernière minute. Il y a des tonnes de trucs.

BI : Vous êtes un investisseur actif. Comment cela se passe-t-il ?

J-A Granjon : je travaille tout le temps pour Vente Privée. Je fais quelques investissements si je suis invité par des amis. En tant qu’entrepreneur, j’ai plaisir à le faire, parce que c’est toujours une bonne chose de faire partie d’une aventure entrepreneuriale, et de pouvoir peut-être aider avec quelques conseils. Mais je me considère comme un investisseur amateur.

Source : Interview de Business Insider traduite par nos soins